Utopie d'un fabricant d'images baroques qui consigne notre présent et le confronte à des avenirs incertains

miércoles, 1 de agosto de 2012

L'ORATOIRE DES CORDONNIERS 3º PARTIE


ROMANS D'ENFANCE:

Il est sept heures quarante, le soleil qui sort comme une boule de feu explosive au centre d’une bande des nuages violacés me vrille la rétine, point blanc sur la feuille blanche: j’écris dans l’avion pour Madrid.
Écrire sur l’enfance, la ville, les années cinquante qui sont grises comme les images des films de cette  époque, rayés, sautillants et accompagnés d’une voix de gramophone, grises comme la vie d’après la tourmente, le malheur, la folie, grises comme un peu de repos après les éclats héroïques ou honteux, après la guerre.

Tout  était couvert par le silence , on sentait encore la présence du monstre, on la voyait dans les yeux de ceux qui l’avaient vu, mais je ne pouvais la definir que par la trace que laisse l’ouragan sur les visages: ils sont changés par la peur quotidienne et couvert du sel de la faute. C’etait avant les glorieuses, ces années du serpent d’airin, la découverte de la consommation qui allait nous consumer.







                Savates.  4 acryliques sur toîles de 20 x 20 cms.  20-09-06


Mon territoire, marqué par ces temps était la ville, encore inconnue à moi, certaines règles  m’échappaient, des lieux restaient interdits ou non avenus. J’avais cependant des devoirs: ma présence etait obligatoire à certains endroits, à certaines heures, d’abord pour subvenir à mes besoins et aussi pour paraître dans le monde: j’allais à l’école, Scandée par les contraintes de nourritures et de sommeil, l’enfance se passait dans la solitude que j’habillais de multiples conquêtes car j’étais bien élevé.

Derrière ce rideau social que j’acceptais trés tôt en le détestent mon territoire materiel, le vrai voyage, le grand voyage comblait mon imaginaire. La ville était un décor qui devait cacher d’autres décors qui eux mêmes devaient deboucher sur d’autres perspectives,  qui allaient tout absorber.
La ville était trés noire à l’époque , les ruelles étroites descendaient faussement aux ports murés par les quais, Port Rivail, Port Roux, Port Brulé    
J’attendais qu’un jour ressortent du macadam les mats et voilures enterrés sous les travaux abscons du modernisme louis philippart des quais, tombeau de l’église saint Michel, du Palais des Dauphins , de celui des Abbés, et de leur cimetière rasée contre l’avis de Merimée.
L’odeur de moisisure qui sortait des caves comme de bouches puantes de chicots , celle encore des tanneries ou de bassin à faire pourir les peaux , l’eau enfin qui suintait et formait des cours d’eau, puis des cascades d’étages de cave en étages des caves, tout composait avant que je ne les connaisse les décors des prisons de Piranese.







Les petits cordonniers.  3 acryliques sur toîles de 41 x 33 cms. 01-11-06



La ville était terrible, elle frappait mon imagination à coups redoublés au son du Gros Barnard pour les vêpres mortuaires, au son des fanfares militaires qui me faisaient trembler d’émotion au bord des trottoirs les jours de défilés , aux cris des femmes descendues des collines pour vendre leurs herbes et leurs tommes de chèvre les jours de grand marché.
Ma mère voulait fuir cette vie. Dans cette grisaille elle étouffait et gardait secrétement le regret de la guerre qui l’avait laissée seule, luttant libre contre tous et contre tout, contre la famille d’alliance si dure et si étroite mais avec mon frère sous le bras comme un soldat tient son bardas avec cet héroïsme de chevrette blanche sautant de rocher en rocher.

Mais le temps passé à tenir tête aux miliciens ou aux soldats en vert était loin. Elle ne tenait pas en place et s’était inventée  un don immobilier qui la poussait à acheter et vendre notre habitation avec frénésie. Les cartons ne devaient jamais être défaits. J’étais toujours en partance dans ce territoire fermé au lendemains imprévisibles.
On déménagea onze fois en vingt ans sans jamais sortir de la ville. La maison de la rue Pêcherie servait entre deux acquisitions improbables de zone de retrait car comme par hasard il y avait toujours un appartement libéré entre deux expéditions. La vieille ville n’avait pas de secret pour moi; elle était explorée scientifiquement maison pas maison et les travaux de lecture des ouvrages du chanoine Ulysse Chevalier alimentait les après midi d’hiver le délire que je partageais avec deux camarades.



C’était à qui en rajoutait sur les tunnels , caves et reduits secrets, chaque porte entrouverte paraissait l’entrée d’une caverne au trésor. On rêvait couchés en étoile  sur les parquets cirés d’un ancien couvent où habitait mon ami et au plafond défilaient les images le plus fantastiques. Â cette époque nous avions une dévotion totale à Beethoven qui nous  arrachait des larmes lorsqu’ainsi couchés à trois ou quatre l’instant initiatique faisait éclater nos cervelles adolescentes, droguées par les symphonies au paroxyisme sonore. La 9ª symphonie n’était écoutée qu’une fois ou deux par mois car le monument sacré nécessitait des conditions mentales exceptionnelles qui étaient analysées en réunion préliminaire par la secte.
Les masacres perpétrés par des bandes de barbares remontant l’Isère sur les barques effilées justifiaient la fuite des occupants des villas gallo-romaines vers les collines du nord. On allait gratter dans les ruines de la villa de saint Paul, aux Chasses pour y trouver quelques preuves. Cependant c’était Saint Barnard qui pour nous était le lieu sacré de tous les vertiges historiques. Certains de trouver le temple romain construit par les nautes au passage de l’Isère on calculait où descendre pour être au niveau des anciens bancs de marne qui servaient de fondations primitives au pont de bois: on démontait les grilles de chauffages dans l’église pour finalement tomber dans la crypte où après la renovation du sol les ossemnets des nombreuses sépultures avaient été regroupées. Dans ce tête à tête avec les crânes aux yeux vides nous étions au comble de l’émotion. D’autres fois c’était le sacristain qui entendant nos pas sous les arcades du triforium nous menaçait de la police si nous ne descendions pas inmédiatement.
On le prenait pour l’un de ces derniers abbés et on l’imaginait jeté nu et en sang à la rivière par une révolte populaire et repêché à Valence par l’évêque terrifié par la vindicte romanaise.
Comme à l’époque romaine la ville était découpée en quartiers aux attributs animaliers dont le sens était clair; les pauvres sont du lapin, de la poule et du canard tandis que les riches sont de l’épervier du lion ou du sanglier. Personne ne se souvient plus de ces appellations mais les quartiers restent dans leur idéntité de cette guerre zoologique encore aujourd’hui pour qui  sait lever la tête vers les façades. Alors souvent le nivellement à fait son oeuvre, tel loup est devenu lapin, tel lion est poule.



Dans ce concert d’information je me promenais moi aussi “les poings dans les poches” , les yeux au ciel.
Les premiers chrétiens ,ces riches gallo-romains de la villa de St. Paul, les symphonies de Beetthoven, les abbés massacrés, Serve dit Paumier ,le revolté invectivant Catherine de Médicis, le temple des nautes, la maison de la rue Pêcherie cet hôtel d’Ambézieux, tout se mêlait en un théâtre du monde fermé dans une forteresse dénommmée la Ville.
C’était pour mes six à dix ans le roman de la rose, Harry Potter et orange mécanique à la fois et aussi quelques séquences que je retrouverai  plus tard chez Fellini.
C’était mon éducation artistique avec ce peu du moment qui ouvrait la porte inmense de l’imaginaire avec presque rien pour voyager au bout du monde avec le silence pour musique et ces paroles intérieures qui tournent et tournent dans la tête d’un gamin: c’est comment ailleurs?

Alors je me souviens, au plus lointain, du premier grand théâtre, celui qui prévaudra toujours face à tous les rideaux rouges qui tremblent et puis s’ouvrent sur les scènes d’opéra. Nous habitions rue des fourreurs, rue Pélisserie, où ma mère avait un petit magazin d’accessoires de mode , une bonneterie disait-on à l’époque.
On allait le dimanche à la messe à St. Barnard. On entrait par la petite porte du nord et on avait nos chaises au premier rang du transept , au pied des marches. J’avais trois ans.
Les prie Dieu paillés trés bas et dont le siège se relevait pour pouvoir s’agenouiller sur un autre paillage encore plus bas ne m’aidait pas beaucoup.
J’étais à hauteur des marches de pierres blanches sur lesquelles s’élevait un mur de marbre gris qui formait balustrade et autrefois base d’une splendide cloture de fer forgé baroque. Le temps passait devant cette masse minérale teintée de beige et blanc, parfois de rose dans laquelle je lisais les empreintes des fossiles ou d’une écriture inconnue.
Au dessus surgissait la voûte immense comme une pluie de pierres ordonnées suspendue par miracle dans les fumées d’encens. De temps à autre dépassait une tête où le balancement d’un ostensoir d’argent parfois des cièrges ou des fleurs. J’ouvrai de grands yeux pour déchiffrer ces messages d’un autre monde qui se cachait derrière la clôture pendant que l’orgue faisait trembler tout l’édifice. Soudain, on voyait sortir le prêtre (c’était l’abbé Constant) impressionant de violance contenue qui montait en chaire et proférait des sentences terribles du haut de sa tour sculptée. Après les fidèles défilaient, je n’avais pas le droit, pour recevoir quelque initiation secréte dont  ils revenaient tête baissée en s’affallant à genoux, le visage dans les mains.
D’un coup, tout allait trés vite, tout le monde s’agitait alors que les orgues tonnaient de plus belle et à force de signes de contentements aimables on sortait dans une cohue qui m’écrasait sur les jambes d’étrangers pendant qu’on me trainait le bras tendu dans cette tourmente finale.

Rien ne me questionnait plus que cette cérémonie à laquelle je ne comprenais rien, ne voyais rien mais participais de force en subissant le choc des couleurs, des odeurs, des sons en une apothéose hebdomadaire dont j’attendais avec angoisse le retour.
La notion de spectacle était née, amplifiée dans son mystère par la terrible présence de la Ville, doublé d’une addiction certaine teintée de masochisme. Je passais le reste de mes années à faire autant ou mieux, parfois avec conviction et beaucoup de doute, sur les scènes d’opéras et dans mes tableaux.






Absolution. acrylique sur toîle de 65 x 54 cms. 10-10-06 ( collection amis du musée international de la chaussure de Romans, nº inv. 2010.12.1)

Dans les centaines de toîles que j’ai peint il en est quelques une dans lesquelles j’ai pu par chance ou par grace resserrer le propos avec une économie de moyens qui m’a toujours attiré.
Si j’admire les plus grands baroques, il est vrai que le dépouillement janséniste de Champaigne ou l’Espagne des natures mortes de Sanchez Cotán ou de Zurbarán me semblent être des polyphonies plus somptueuses que toutes les grandes machines nées du Concile de Trente.
La toîle “Absolution” est un concentré assez valable de foi et de folie, les deux composants de l’attitude mystique.
Pour la foi j’ai choisi ces deux paires des savates ( deux, c’est déjà une communauté et ce que celà implique d’amour et de haine) issues d’images de la vieille Castille; sans doute sous ces semelles de bois la poussière des chemins d’Avila et quelques grains de blé de Medina del Campo.
D’ailleurs c’est d’herbes sèches que sont tressées les simples lanières de ces socques.
Par quelques mortifications terribles elles sont plantées d’un clou: seraient-elles des chaussures massochistes imposibles à porter sans s’enfoncer dans le talon ce symbole de la cruxifiction?.
Autant de signes de foi fraccassées par la hache; on imagine un ou une forcené , la folie sans limite, la nuit du crime absolu . Sans doute le silence des espaces étérnels était –il impossible à supporter dans cet ultime combat avec l’ange. Petit tableau condensé de foi et de folie , vanité des vanités à placer dans un cabinet d’amateur ou dans un oratoire.



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