DANIEL OGIER
réalisation vidéo: Bertrand Desmares
musique: Caroline Poncet (Middle M)
L'ORATOIRE DES CORDONNIERS
du 25 avril au 6 septembre 2009
MUSÉE INTERNATIONAL DE LA CHAUSSURE
ROMANS ( Drôme-France)
LA RÈGLE
Les six tableaux au mur sur le thème des voeux prononcés lors de la prise
de voile par des religieux entrant au couvent s’inspirent de ces portraits de
fondatrices que l’on voit à la porterie des couvents espagnols, souvent en
place depuis des siècles, le vernis goudronnée par la fumée des cierges.
La position hiératique, l’expression absente, l’échelle de la toîle donnent
une notion d’apparat redoutable. Cette fausse parturiente semble accoucher d’une
autre vérité prisonière entre ses jambes, le patient, a tous les sens du mot,
qui tient la clé d’une réalité contradictoire.
Car ses appels au secours nous interpellent directement alors que le
personnage de la soeur est enfermé dans le silence de son territoire réservé.
Chaque symbole du tableau complète ou contredit
les thèmes annoncés. On voit comme le tablier est un instrument important de
l’opération au sens chirurgical, avec ses épingles et ses réplis étouffants.
Cette série est la seule
travaillée en matière pour les visages comme marqués d’une décomposition
stendhalienne, d’une beauté vérolée. C’est aussi la seule avec un mur sur
lequel se projette l’ombre de “la chose”. Il n’était pas souhaitable de laisser
le fond abstrait comme un cyclorama de studio de photo; ce que je fais d’habitude,
car la notion d’enfermement dans une cellule devait être évidente.
Mais ces six portraits de religieuses appliquant
la règle fonctionnent également en rapport avec le triptyque central. Elle sont
la mémoire des murs, le silence, le non dit qui entourent les trois tableaux
centraux qui illustrent la vie profane avec leurs histoires de fous et leurs
soucis minuscules au prise avec un devenir aléatoire.
Des murs de silence entourent un gros tas de
folie délirante.
La charité. acrylique sur toîle de 146 x 114 cms. 13-05-05
LA CHARITÉ
Pourquoi tient-elle un mouchoir ,
un tissu comme la Foi-vat -elle
en couvrir l’enfant, lui bander les yeux, car de l’autre main elle lui mantient
la tête, les doigts enfoncés dans les boucles noires de ses cheveux berbères.
On voit derrière elle l’agneau
attaché, celui de la parabole jété au sol, sa laine blanchâtre prête à être
tondue pour tisser les couvertures inutiles entassées derrière. Coupera t’on
aussi la chevelure de l’enfant pour la mêler à la laine?
Charité, quels crimes en ton nom
et dans cette façon de donner qui n’appartient qu’à ceux qui sont surs de
posséder encore et toujours après ce geste héroïque, sans péril, donnez, donnez
d’un geste qui vous affranchi sans vous coûter, donnez, Dieu reconnaîtra les
siens.
La chasteté. acrylique sur toîle de 146 x 114 cms. 01-03-05
LA CHASTETÉ
La plus jeune des soeurs au
visage cependant aussi marqué vous regarde droit peut être avec l’oeil trop
ouvert et trop rond pour ne pas être éfleuré par l’idée qu’elle goute à un
instant particulier.
Sans doute faut il pour les six
tableaux et surtout pour celui ci penser à “la Religieuse ” de Diderot
, ouvrage ambigu, complexe plein de secrets et de tiroirs explosifs dont
l’érotisme élegant à fait sauter tant de
verrous cachés dans chaque vocation. Je pense aussi à une autre maître de la
sensualité retenue Nicolas de Largillière avec son portrait de Elisabeth Throck
Morton( National-Gallery Washington) , symphonie de noirs transparents et de
blancs massifs animée par l’indécent rouge cerise de ses lèvres.
L’ivresse, la bacchanale est bien
dans la cascade de raisins blancs mais l’enfant (sort-il de l’enfance à ce
moment? ) pleure d’être bafoué par une vrai violence qui tord son bras pour
rapprocher sa main de l’endroit interdit sous le tablier relevé.
Sur cette main de petit paysan,
les deux mains blanches curieusement plus vieilles retrouvent d’instinct un geste croisé de repos et d’ordre parfait. Scènes
courantes sur les plages de Cuba à Manille et à Rio, en oubliant la vaste robe
noire pour d’autres paréos.
La foi. acrylique sur toîle de 146 x 114 cms. 26-03-05
LA FOI
“ L’oeil était
dans la tombe et regardait Caïn...” oeil unique qui ne donne qu’une image
fausse dans un visage vérolé, l’autre oeil fermé d’un cuir comme la princesse
Éboli, la protectrice de Sainte Thérése d’Avila ou l’amoureuse du Don Carlo de
Verdi?
La main droite
levée paraphrase le geste du Christ, l’autre, baissée, tire du manteau rouge du
pouvoir temporaire le chat à sept queues, le fouet de l’ordre.
Le patient
cherche à fuir de tout son corps l’emprise de la torturant-parturiente mais le
voile blanc est sur ses yeux. La borgne ne sait transmettre de force que son
aveuglement; voir, savoir, croire,voici les fondements bien appris et bien vite
oubliés par la force du carcan.
La pauvreté. acrylique sur toîle de 146 x 114 cms. 21-02-05
LA PAUVRETÉ
Enfin voici la plus laide de la
bande avec son visage sans âge et ses mains deformées par les rhumatismes. Elle
ne se concentre que sur une chose, son pied qui écrase de force la main du
“patient”.
Car il est pauvre et restera eternellement la main tendue vers une nature
morte espagnole qu’il n’attendra jamais. De tout façon il n’y a rien d’autre et
il n’y a aura rien car la pauvreté est sans évolution contrairement à l’homme
parait-il. Qui a donné un coup de couteau dans le pain?
L'espérance. acrylique sur toîle de 146 x 114 cms. 07-04-05
L'ESPÉRANCE
Elle a le regard faux, loin du
spectateur et on dirat que “la chose” et son ombre s’allongent pour se cacher. Dans la douceur
de l’enfant (il faut voir Murillo comme le maître de la compassion) son regard
est plein d’espoir vers la main qui donne, main de fer, serre de rapace qui
puissament tournée vers le bas va lacher d’un coup la pierre.
Le petit , le ventre rond, les
mains pleines d’effort est campé sur ses bonnes jambes mais la chaîne éternelle
est en marche.
Les poissons et les pains
autrefois multipliés sont écartés et pourrissent dans les plis de la bure. Le
tas de paniers attend encore pour longtemps le simulacre et les pierres
s’accumulent pour toute nourriture. Le cycle continue comme une mécanique
parfaite. Au nom de qui tourne la noria?
L'obéisance. acrylique sur toîle de 146 x 114 cms. 14-02-05
L'OBÉISANCE
Sans doute plus majestueuse avec son sourire énigmatique, la religieuse
s’impose comme gardienne de la foi car elle protège les symboles même de la
cruxifiction.
Le regard fixe est sans état particulier, elle
attend comme attend le “patient” avant quel acte? lui ne sait rien , ne voit
rien, ne bouge plus il ne fait qu’obéir en ne faisant rien comme l’animal pris
au piège qui après s’être longtemps débattu choisit la passivité avant la fin. Seul
le regard , celui de la religieuse est pour celui qui la regarde, celui qui
sera la prochaine victime dans la toîle tendue par la noire mygale de l’esprit,
celle qui vous ronge en faisant répeter les mêmes choses aux mêmes endroits aux
mêmes heures toute une vie.